Est-ce que le mitan vous dit quelque chose ? C’est une période flexible entre 40 à 60 ans qui représente un basculement identitaire. Comme le souligne Houde (1994), « avant c’est la jeunesse, après c’est la vieillesse ». C’est le moment où l’individu prend conscience qu’il a vécu probablement déjà la moitié de sa vie. C’est aussi le moment de réévaluer sa carrière, car on prend conscience du temps écoulé et de celui qu’il reste (Tripon, 2023). À ce stade, l’intention de carrière change. Pourquoi ? Parce qu’on revoit ses priorités, on revisite son rapport au temps et à l’avenir. C’est un moment où l’âge subjectif, soit la perception que l’on a de son propre âge, prend un rôle important. (Tripon, 2023).

« Je suis trop vieux pour changer de carrière » : concrètement, quel impact le mitan peut avoir sur notre carrière ?

L’âge subjectif agit comme un filtre. Peu importe notre vrai âge, on peut se sentir plus vieux ou plus jeune. Si l’on perçoit son âge comme une ressource, le mitan peut devenir un tremplin où on prolonge sa carrière, se réoriente, on partage son expertise : une vraie source de vitalité et d’accomplissement. Au contraire, si l’âge est associé à la fatigue, au décalage générationnel ou à l’envie de déconnecter, le désir de retrait se fait sentir. Cela dit, l’âge peut donc être perçu comme un fardeau ou comme une richesse. (Tripon, 2023).

« J’hésites de retourner en formation à cause de mon âge »

Les doutes sont humains. Un peu comme la carrière, l’âge subjectif peut agir sur notre envie de se rééduquer. Comme le rappelle Lacasse (2021), l’adulte apprend différemment : il veut comprendre pourquoi il doit apprendre, il est auto-dirigé, il mobilise un bagage expérientiel riche et il apprend dans un but pragmatique. Spécifiquement au mitan, plutôt que d’être dans la construction de connaissances, l’éducation a plutôt le rôle de reconstruire la confiance, de transformer l’image de soi et de montrer à ses proches qu’on est encore capable d’évoluer. Toutefois, cette démarche n’est pas toujours simple. Certains adultes vivent un décalage avec leurs pairs plus jeunes ce qui affecte leur confiance et mène à reconsidérer cette idée de se former (Boufarouj et Mdarbi, 2022 ; Lacasse, 2021).

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’autant l’âge peut faire douter sur nos décisions, fragiliser la confiance et freiner le retour en formation ; autant il peut devenir une source de valorisation et de reprise de confiance. (Lacasse, 2021).

Pourquoi ça l’a un impact si grand ?

Parce qu’en règle générale, les recherches montrent que l’espoir favorise le vieillissement actif, tandis que les perceptions négatives alimentent le désespoir qui peut expliquer la décision de retrait. La théorie de l’incarnation des stéréotypes va dans ce sens : intérioriser les stéréotypes négatifs liés à l’âge, aussi appelé auto-âgisme, peut mener à une prophétie autoréalisatrice de déclin. Par conséquent, cela limite des changements comportementaux qui permettent d'atteindre favorablement la réussite scolaire par exemple (Joshanloo, 2025).

Obstacles et solutions

L’adulte seul n’est pas entièrement responsable de cette limite qu’il s’impose : l’éducation inclusive demeure à peaufiner pour répondre aux besoins spécifiques des apprenant adultes, tout en évitant la stigmatisation (Boufarouj et Mdarbi, 2022).

Sur le plan de l’employabilité, les représentations négatives du vieillissement influencent directement les décisions des employeurs en matière de recrutement et de rétention des travailleurs d’expérience (Tremblay, 2024). Fait intéressant : Tremblay (2024) explique que les obstacles nommés par les employeurs sont les mêmes que ceux mentionnés par les travailleurs expérimentés eux-mêmes : surcharge, fatigue, rémunération, adaptation technologique, etc. Autrement dit, l’âgisme est à la fois interne et externe, et il devient un enjeu collectif. Les pistes de solution passent donc par des ajustements mutuels :

● Horaires flexibles et temps partiel

● Programmes de mentorat et de transfert intergénérationnel,

● Formation adaptée aux nouvelles technologies,

● Valorisation de l’expérience plutôt que stigmatisation.

Sur le point de vue personnel, prendre conscience de l’âge subjectif en se demandant « Comment je me sens vraiment ? » peut permettre de voir l’expérience comme une richesse plutôt qu’une limite. Il faut aussi se donner le droit au changement pour représenter plutôt ses besoins actuels que ceux qu’on avait à 20 ans. Aussi, pour mieux rebondir face aux obstacles, développer la résilience en revoyant jusqu’à quel point je peux tolérer mon âge par rapport à une décision qui remplis davantage mes besoins ?

Le rôle du conseiller d’orientation

Le conseiller d’orientation peut aider à déconstruire les stéréotypes intériorisés, identifier les croyances limitantes, mettre en lumière les compétences transférables et accompagner la personne dans la projection d’une nouvelle trajectoire.

Des outils concrets comme la carte de carrière, les scénarios à 1, 3 et 5 ans ou encore les exercices de visualisation permettent de réduire l’angoisse du « trop tard » et d’ouvrir des perspectives motivantes (Lent et al., 2002). L’accompagnement ne se limite pas à l’individu : en rapportant votre vécu, le conseiller peut agir dans un rôle d’advocacie pour plaider pour des environnements plus inclusifs et promouvoir les bonnes pratiques aux employeurs.

Conclusion

L’âge, qu’elle soit chronologique ou subjective, peut grandement influencer la réinterprétation du parcours professionnel. Le mitan, loin d’être une période de déclin, peut devenir un moment d’opportunités. C’est normal de douter et de se questionner dans un contexte où les crèmes anti-rides sont publicisés sans tabou. Vieillir est normal et ce n’est pas obligé d’être une fin : c’est une transition, qui peut être vécue comme un nouveau départ, réaligné vers des besoins actuels. En somme, l’adulte dispose d’une force singulière : celle de rebondir face aux obstacles (Lacasse, 2021 ; Tremblay, 2024).

Références :

  • Boufarouj, C. et Mdarbi, S. (2022). L’impact de l’âge sur l’usage des TIC : cas des acteurs âgés. Revue de Management et Cultures, (8), 130-147.
  • Houde, R. (1994). Y a-t-il une crise du mitan de la vie ? Le Journal des psychologues, 118, 34-40. https://classiques.uqam.ca/contemporains/Houde_Renee/Y_a-t-il_une_crise_du_mitan_de_la_vie/Y-a-t-il_une_crise_du_mitan_de_la_vie_texte.html
  • Joshanloo, M. (2025). Hopelessness mediates the relationship between self-perceptions of aging and negative affect : within-person results from the health and retirement study. Anxiety, Stress, & Coping, 1-13.
  • Lacasse, L. (2021). L'effet du sexe et de l'âge sur les motivations à retrouver un emploi après 45 ans. (Mémoire de maîtrise, Université de Montréal).
  • Tremblay, D. G. (2024). Les perceptions des employeurs et les mesures mises en place pour une meilleure rétention de la main-d’oeuvre d’expérience au Québec. Revue Interventions économiques. Papers in Political Economy, (71).
  • Tripon, S. (2023). Âge subjectif et conduite de carrière chez l'adulte (Doctoral dissertation, HESAM Université).

Allyson-Faye Blanchette
Conseillère d'orientation

Article publié le .
1/11/2025
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